Toutes les races de moutons, les 57 reconnues par arrêté ministériel du 26 juillet 2007 et les quelques non reconnues, appartiennent toutes à une seul et même espèce, Ovis aries. La conséquence est une possibilité de croisement entre toutes ces races.
Malgré cette unicité de l’ascendance et la présence d’une seule espèce dans la descendance, les moutons restent les animaux domestiques présentant la plus grande diversité génétique (Kijas et al., 2012). A la lecture de ces quelques lignes, il n’y aurait donc pas à s’inquiéter pour l’espèce ovine.
A nuancer toutefois. En effet, parmi les différentes races de moutons reconnues ou non, un certain nombre sont des races à petits effectifs (RPE) comme le Lande de Bretagne ou le Belle-île. Si des efforts conséquents ont permis et permettent encore de conserver ces races qu’en est-il de leur diversité génétique ? En effet, ces RPE émanent d’un ou deux troupeaux reliques ou des croisements entre parents ont obligatoirement eu et auront lieu. Deux questions sous-jacentes :
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– comment ces populations ont-elles fait face à ce phénomène de consanguinité qui conduit à une réduction de la diversité génétique ?
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– Quel(s) mécanisme(s) les RPE ont-elles mis en place pour circonvenir aux maladies et syndromes génétique inhérents à la consanguinité ? Avec comme question subsidiaire : devons-nous nous inquiéter d’une certaine forme de consanguinité chez nos RPS ?
- – L’intérêt d’une sélection génétique des individus pour faire face à une maladie chronique est-il une nécessité ?
Les premières questions à se poser sont à propos de la maladie elle-même. La première avant d’imaginer un plan d’action quelconque est de savoir si la maladie est présente dans les régions d’élevage qui nous concerne, autrement dit, quelle est sa prévalence ? Si aucun cas clinique dûment vérifié n’est avéré, quel est l’intérêt de mettre en place un protocole de lutte ? Si la maladie est récurrente chez nos éleveurs, peut-elle être contenue ou éradiquée par des traitements vétérinaires ? Si tel n’est pas le cas, certains animaux sont-ils plus sensibles que d’autres ?
Y aurait-il une prédisposition génétique à développer la maladie ? C’est un fait à ne pas négliger et c’est le cas par exemple pour la tremblante, maladie à prions. En effet un gène, le Prn-p, code pour une protéine constituée de 256 éléments, appelés acides aminés (AA). Parmi ces 256 AA, trois sont susceptibles d’être différents d’un individu à l’autre. Ils engendrent cinq types génétiques identifiés : ARQ, ARR, VRQ, AHQ et ARH conférant ou non une plus grande sensibilité à la tremblante.
Les individus ARR/ARR (Groupe R1) sont très peu sensibles à la tremblante et leurs descendants de première génération sont faiblement sensibles ; les ARR/ARQ et AHQ/AHQ (Groupe R2) sont peu sensibles comme leur descendance de première génération ; les ARR/ARQ, ARR/ARH, ARQ/AHQ et AHQ/ARH (Groupe R3) sont faiblement sensibles, mais certains descendants sont sensibles ; les ARH/ARH, ARQ/ARH, ARQ/ARQ, ARR/VRQ, AHQ/VRQ (Groupe R4) présentent des développements occasionnels de la maladie et les risques de maladie sont élevés parmi les descendants (plus que les descendants du Groupe R3) ; ARQ/VRQ, ARH/VRQ et VRQ/VRQ (Groupe R5) sont les plus sensibles à la maladie.
Mais encore faut-il connaître le mode de contamination d’une bête à l’autre et d’un élevage à l’autre. Peut-être que de simples mesures de prophylaxie contiendrait la maladie en des foyers identifiés ? Des règles dans le transport, les échanges, les vents d’animaux devront alors être suivies pour éviter une dissémination du vecteur de la maladie.
Que se passerait-il si nous devions en arriver à sélectionner les moutons sur des critères génétiques afin de conforter ou renforcer une résistance à une maladie ?
Sélectionner des individus par croisement présente des avantages et c’est ce que font les éleveurs naturellement pour améliorer les qualités laitières, bouchères, comportementales… Il faut garder à l’esprit qu’en améliorant certaines qualités, il peut arriver que cela soit aux dépends d’une ou de plusieurs autres.
Ces sélections génétiques imprévues peuvent être « muettes ». En effet, celles-ci peuvent ne pas être apparentes comme la présence/absence de cornes, ou un changement de couleur de la toison. Elles peuvent atteindre le métabolisme de l’animal par exemple en amoindrissant l’efficacité d’enzymes liées à la digestion, conduisant à une moindre assimilation des nutriments.
Lettre du Collectif « Faut pas Pousser » en PDF ici